Faux-miroir by Alteyrac Bernard

Faux-miroir by Alteyrac Bernard

Auteur:Alteyrac Bernard [Alteyrac Bernard]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782072743504
Éditeur: Gallimard
Publié: 2018-05-15T22:00:00+00:00


Au milieu de la nuit, une pluie fine vint réveiller Adrien qui dormait à la belle étoile. Il entendit autour de lui ses camarades se lever en râlant et partir à la recherche d’un abri. Certains, trop fatigués pour bouger, se contentèrent de remonter leur capote sur leur visage. Adrien et Vidal se partagèrent l’étroit espace d’un appentis. Ils s’étaient à peine assoupis quand Massel vint les secouer.

— Allez, les gars, debout. Il faut qu’on aille relever la 9e.

Ils suivirent le sergent, rejoignirent les camarades en titubant dans l’obscurité. Une vague rue, des vergers. La voix du capitaine les accueillit rudement.

— Voulez-vous m’éteindre ça tout de suite ! Vous tenez tant que ça à vous faire descendre ?

Les points lumineux des pipes et des cigarettes disparurent un à un. Les tireurs embusqués dans la nuit, on n’y croyait pas trop. Vidal tira une dernière bouffée derrière sa main avant d’écraser son mégot sous son talon.

La 9e compagnie avait commencé à creuser des retranchements pour défendre les abords du village. On ne voyait pas grand-chose, mais on sentait l’odeur de terre fraîchement remuée que la pluie légère accentuait encore. Le capitaine Dreux se mit à râler en découvrant des tranchées à peine ébauchées. Un adjudant de la 9e expliqua :

— Mon capitaine, on n’était pas équipés pour creuser. Il a fallu réquisitionner les outils chez l’habitant. Et ces paysans, c’est bien partout les mêmes. Pour leur faire lâcher quelque chose !

— Il faut croire qu’ils n’ont pas trouvé que des pelles et des pioches, vos types.

On entendait de-ci de-là des chants à demi étouffés. Des malins avaient dû dénicher, ou se faire offrir de plus ou moins bonne grâce, quelques bouteilles de prune à l’aide desquelles ils avaient fêté la victoire du jour. Ils cuvaient maintenant leur gnôle à l’abri des regards. Les officiers faisaient mine de n’avoir rien vu. Les hommes s’étaient bien tenus jusque-là, on pouvait leur lâcher un peu la bride. Après tout, un premier village repris à l’ennemi sans aucune perte, à la baïonnette, comme dirait le communiqué et comme les journaux le répéteraient fidèlement, c’était presque inespéré pour des recrues qui recevaient leur baptême du feu. Quant à creuser des tranchées, s’enterrer comme des taupes, on se disait encore que c’était la façon de faire des Boches. Eux, ils devaient s’accrocher à un sol dont ils s’étaient emparés au mépris du droit. Les Français, c’était bien connu, préféraient affronter l’adversaire en plein soleil, sabre au clair et drapeau en tête, comme à Valmy.

Pendant cette même nuit où Adrien et ses camarades maniaient la pelle et la pioche sans hâte, creusant la terre paisiblement comme s’il s’était agi d’une besogne de temps de paix, curer un canal d’irrigation ou fonder une nouvelle maison, et non de s’enfouir pour sauver sa vie, où d’autres trinquaient en se disant « Alors, ce n’était que ça, la bataille, vivement la prochaine », cette nuit où des officiers rédigeaient des communiqués claironnants, dans les villages qui entouraient Lagarde, les Allemands, qui



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.